Alpinisme, but au Ciarforon et ascension de la Tresenta 3610 m
Le mauvais temps, le mal des rimayes, les conditions moyennes, bilan, on n'est pas allé au sommet du Ciarforon, à mon grand regret. Et on a enchainé sur la Tresenta, le soleil est apparu et la fin de journée fut belle
Vidéo :
Topo :
Topo (grossier) du Ciarforon. En rouge l'itinéraire décrit dans les topos, en bleu le couloir du gardien. Attention, nous nous sommes arrêtés assez tôt, donc topo théorique, dessiné selon ce que nous avons compris des indications du gardien.
Récit
2ème journée dans le massif du Grand Paradis, après l'ascension du Bec de Monciair hier. La nuit fut bonne et le réveil tranquille. On part après les candidats au grand paradis, le souci, les sommets sont complètements bouchés.
Après avoir contourné le joli lac du refuge Victor Emmanuel, on attaque l'infâme moraine. Les moraines sont toujours infâmes même si celle là est sans doute plus sympathique que d'autres. Le sentier est raide, mais pas trop mal tracé. Comme souvent, mon partenaire de cordée se place derrière moi, afin de suivre mon pas lent mais régulier (oui, quand ils sont derrière moi, ils ne se fatiguent pas). Après avoir remonté la partie raide on se retrouve sur une sorte de plateau, au loin , un gros groupe galope. Avec Bastien , on papote tout en inspectant l’itinéraire pour la suite. (enfin ce qu'on peut voir, les nuages accrochent)
Je lui rappelle les indications du gardien, prendre le couloir en neige à droite de l'arête à la base plutôt que de suivre l'itinéraire décrit dans le topo : contourner les gendarmes par la gauche. Et le gardien a même ajouté que a sortie du couloir n'était pas géniale. Ça donne envie.
Ça déroule bien jusqu'au glacier, le groupe est en train de s'équiper, ils partent pour la Tresenta, nous on met rapidement les crampons avant de filer vers le Ciarforon.
Le Ciarforon justement, j'en rêve depuis longtemps... 1989, ça commence à dater, 32 ans !
La première fois que je suis allé gravir le Grand Paradis, j'avais été épaté par ce joli sommet avec sa grosse calotte glacière. Les années ont passé, je suis revenu déjà 4 fois, et l'idée de gravir la face Nord a germé. Malheureusement, le réchauffement climatique a fait apparaitre une barre rocheuse au milieu de la face, et plus les années passent, plus l'obstacle devient infranchissable. J'avais l'idée de gravir la face aujourd'hui, mais, quand on a vu son état, j'ai cherché une autr arête accessible. L'arête Nord Est me semblait le seul itinéraire faisable.
En plus, cette année, à priori au sommet, il y a un joli lac glaciaire, voilà qui me motive d'autant plus.
Bref, je suis ultra motivé, mais quand on se retrouve sur la longue traversée du glacier, je vois que je ne suis pas très en forme, Bastien galope devant. J'avance doucement derrière, tout en observant le peu qu'on peut voir du sommet. Je repasse devant sur la fin et on arrive au pied du bastion de l'arête.
Petit point avec Bastien, le couloir conseillé par le gardien ne semble pas top, même si on voit mal le haut. On décide de tenter l’itinéraire décrit dans le topo. Je pars devant dans des gros blocs. Puis la logique voudrait qu'on descende dans un couloir en mixte, avec un poil de glace sur des gravats compactés.
Je parviens à descendre, je fais venir Bastien. La suite ne m'inspire pas, la météo non plus. La suite c'est une paroi qui semble un peu merdique, peu prisue au départ. Bastien passe devant. Le premier pas est technique, j'essaie de le conseiller comme je peux. La pointe du crampon sur une prise minuscule, la main droite dans le dièdre de droite. Retour au pied pour une seconde tentative. On n'a pas assez de matos pour protéger, la loose. Nouvelle tentative, et nouvel échec. Le crampons dans l'autre fissure n'était pas assez sur.
Troisième tentative, un peu plus à droite, Bastien s'élève, la sueur perle sur son front, les crampons crissent, les mains moites tentent agripper d'hypothétique prises. Et cette dernière tentative se termine comme les précédentes, par un retour au relai. Discussion, on décide de tenter par le couloir du gardien.
Retour au pied du bastion, ça sent quand même bon le but. On opère la pause, je sens que Bastien l'a déjà validé.
On repart alors vers la droite de l'arête, dans la neige pour rejoindre le couloir. Je passe devant pour traverser sur la neige.
"Tu saignes" me lance Bastien
"Bah non !"
"Si tu saignes, il y en a plein la neige..."
Je regarde mon nez, peut être que je saigne du nez (même si ça m'arrive hyper rarement) Bon, ben ça ne vient pas de là..
Dans la neige, il y de grosse taches rosée tout au long de la traversée. En fait , ça vient de mon genou gauche. Il saigne visiblement pas mal, alors que je n'ai pas de douleur, j'ai du heurter un rocher sans m'en rendre compte.
A présent, je continue de progresser, mais je regarde les empruntes laissées par mon genou dans la neige, un joli pointillé de rose. J'arrive au pied du couloir, il y a de la glace, le brouillard cache le haut qui a l'air bien merdique, une sortie en gravillon détestable sans doute. Pas le temps de réfléchir, Bastien est déjà reparti vers le bas, sa décision était prise il y a longtemps.
je refais le chemin le long des taches roses...
On a décide de partir vers la Tresenta, le sommet voisin que j'ai déjà gravi avec Sandrine. Il faut retraverser le glacier pour rejoindre une languette de neige qui nous amènera , si tout va bien dans la face Sud de la Tresenta.
J'ai un sentiment bizarre, je me rends compte qu'il y a des chances pour que je ne vois jamais le sommet du Ciarforon. Le sommet est loin de la maison, sa face Nord devient de plus en plus complexe chaque année, l'arête Est n'a pas un réel intérêt alpinistique, à quoi bon revenir juste pour cocher ce sommet ? Mais c'était un peu un rêve de jeunesse et c'est la première fois que j'ai cette sensation de savoir que je ne reviendrai sans doute pas.
Je rumine mon échec.
Et je vois bien que l'ascension du tas de caillou de la Tresenta ne va pas combler la déception de l'échec de cette ascension.
On poursuit la traversée, juste en dessous de la limite des nuages. On reste sur le glacier, juste sous l'arête. A droite, des cordées font des manips sur l'arête, la tête dans les nuages.
Je vise la langue de neige qui semble permettre de sortir dans la face Sud, même si je ne suis pas absolument sûr du passage. On remonte vers l'emplacement et bingo, ça fait comme un escalier géant !
Je gravi les 5 marches géantes, et me retrouve sur un tas de cailloux géant : la Tresenta !
On remonte alors cette face Sud. Les nuages eux ont décidé de se faire la malle, le beau temps arrive, trop tard pour repartir vers le Ciarforon. On s'élève, le vent est là, il chasse les nuages, nous on gambade de bloc en bloc, même si le terme de "gambader" est peut être légèrement exagéré. Mais on avance. Parfois je me retrouve un peu en arrière, j'ai ma bonne excuses : "je fais des images". En fait Bastien a la soquette légère.
On retrouve la sente de la voie normale d'ascension, il suffit de remonter, le Ciarforon est à présent complètement dégagé, l'itinéraire n'aurait pas été facile à trouver et les difficultés étaient présentes sur l'arête, un bon AD bien tapé à mon avis. Trop tard pour retenter.
Nous reste à remonter tranquillement les dernières pentes et la jolie arête finale, nous voici au sommet de la Tresenta. Pour une jolie pause
J'essaie au passage d'apprivoiser un choucas, en vain, je suis vraiment trop nul !
Le pique nique fait du bien, la pause est bien agréable !
On repart alors vers le bas. D'abord la sente puis on décide de couper par la neige.
Une petite traversée plus tard, la pente s'accentue et au passage délicat, Bastien a l'idée de casser son bâton. Étonnant, on risque d'en avoir encore besoin ! Je galope devant dans la neige profonde (bon je suis bêtement la trace, ça laisse moins de place aux surprises dues à la qualité de la neige. On fini par enlever les crampons et rejoindre la moraine.
On papote bien sur cette moraine en n'oubliant pas d'admirer les faces et les arêtes du Ciarforon. Reviendrai-je un jour sur ce joli sommet, pas sûr... pas sûr du tout !
Raidillon final, la descente sur Victor Emmanuel, le petit lac et la pause pique nique sur la terrase du refuge
oui, la pause pique nique car la journée n'est pas finie...
Oui, l'idée est de traverser sur le refuge Chabod dans l'après midi afin de tenter la face Nord du Grand Paradis demain.
Donc, la pause terminée on part pour la transition.
Le chemin est bucolique mais j'avoue que j'aimerai être au refuge pour me reposer. On avance, on papote, on monte, on descend sous le regard amusé des marmottes.
Pas de bouquetins, oui, on n'aura pas vu un seul bouquetin durant ces 3 jours, il faut le faire, Bastien sera le premier alpiniste du monde à ne pas avoir croisé un sel bouquetin dans le massif du Grand Paradis, ça, c'est un exploit !!!
Il y a peu de monde sur le sentier, quand, ô ciel, j’aperçois une jolie fille au loin. Grande est ma joie de devoir la croiser, quand je m’aperçois qu'elle emprunte un autre sentier que le mien, encore une rencontre ratée. C'est l'âme en peine que je poursuis vers le bas.
Après cette première partie tout en descente, on remonte dans une seconde, dépassant au passage deux anciens qui étaient partis un peu avant nous.
Au dessus, on aperçoit Chabod, le refuge est encore bien loin, il va falloir traverser 4 moraines ! et 4 moraines, c'est long. Nous opérons une petite pause avant de descendre une partie technique, ensuite c'est le décompte des moraines. Le sentier est efficace mais il y a des kilomètres à parcourir. Je décompte frénétiquement les moraine qu'il me reste à traverser, comme les dodos avant de rentrer à la maison !
A droite, j'inspecte la face Nord du Grand Paradis, elle est en glace, pas glop ! , ça correspond à ce que m'avait dit la gardienne au téléphone. Avec 5 broches ça va s'avérer impossible à gravir, moi qui espérait trouver une face avec un filon en neige.
Dernière moraine, on remonte le vallon avant un petit pont et la montée au refuge, je monte à fond, et Bastien, qui avait fait une pause , me rattrape malgré mon rythme élevé, je suis dégouté !
On parvient au refuge, moi allaitant comme un bœuf, Bastien frais comme un gardon, à chacun son animal totem !
Une fois enregistrés je prends des infos pour la face nord et je comprends que c'est cuit, on es équipé un peu light pour la course ! On se contentera de la jolie voie normale depuis Chabod !